L’hydrogène comme solution pour le stockage d’énergie à grande échelle

L'hydrogène s'impose comme une solution prometteuse pour relever les défis du stockage d'énergie à grande échelle. Face à l'intermittence des énergies renouvelables et à la nécessité de décarboner nos systèmes énergétiques, ce vecteur polyvalent ouvre des perspectives intéressantes. Capable de stocker l'énergie sur de longues périodes et en grandes quantités, l'hydrogène pourrait jouer un rôle clé dans la transition énergétique. Mais comment fonctionne réellement cette technologie ? Quels sont ses avantages et ses limites ? Explorons ensemble les principes, les applications et les enjeux de l'hydrogène comme technique de stockage énergétique à grande échelle.

Principes fondamentaux de l'hydrogène comme vecteur énergétique

L'hydrogène possède des propriétés uniques qui en font un candidat idéal pour le stockage d'énergie. Élément le plus abondant de l'univers, il présente une densité énergétique massique très élevée : un kilogramme d'hydrogène contient environ trois fois plus d'énergie qu'un kilogramme d'essence. Cette caractéristique permet de stocker une grande quantité d'énergie dans un volume relativement réduit.

Contrairement à l'électricité, l'hydrogène peut être stocké sur de longues périodes sans perte significative. Il donne ainsi une flexibilité importante pour gérer les variations de production et de consommation d'énergie. De plus, sa combustion ne produit que de l'eau, ce qui en fait une option zéro émission particulièrement attractive dans le contexte de la lutte contre le changement climatique.

L'utilisation de l'hydrogène comme vecteur énergétique repose sur un principe simple : l'énergie excédentaire est utilisée pour produire de l'hydrogène par électrolyse de l'eau. Cet hydrogène est ensuite stocké, puis reconverti en électricité via une pile à combustible lorsque le besoin s'en fait sentir. Ce cycle permet de valoriser les surplus d'énergies renouvelables qui seraient autrement perdus.

L'hydrogène agit comme une véritable batterie géante, capable de stocker l'énergie renouvelable sur de longues périodes et en grandes quantités.

Technologies de production d'hydrogène vert

La production d'hydrogène vert, c'est-à-dire sans émission de CO2, est au cœur des enjeux du stockage d'énergie à grande échelle. Plusieurs technologies sont actuellement développées pour produire cet hydrogène propre. Pour comprendre en détail les différentes options disponibles, vous pouvez consulter cette page qui fournit un aperçu complet des technologies de production d'hydrogène vert.

Électrolyse de l'eau : procédé PEM vs. alcalin

L'électrolyse de l'eau est la méthode la plus mature pour produire de l'hydrogène vert. Elle consiste à décomposer l'eau en hydrogène et oxygène grâce à un courant électrique. Deux technologies principales se distinguent : l'électrolyse PEM (Proton Exchange Membrane) et l'électrolyse alcaline.

L'électrolyse PEM utilise une membrane polymère comme électrolyte. Elle accorde une grande flexibilité et une réponse rapide aux variations de puissance, ce qui la rend particulièrement adaptée au couplage avec les énergies renouvelables intermittentes. L'électrolyse alcaline, plus ancienne, utilise une solution d'hydroxyde de potassium comme électrolyte. Moins coûteuse, elle est cependant moins flexible et moins compacte que la technologie PEM.

Production par biomasse : gazéification et reformage

La production d'hydrogène à partir de biomasse est une alternative intéressante pour valoriser les déchets organiques. Deux procédés principaux sont utilisés : la gazéification et le reformage. La gazéification consiste à chauffer la biomasse à très haute température (800-1500°C) en présence d'oxygène pour produire un gaz de synthèse riche en hydrogène. Le reformage, quant à lui, convertit le biogaz issu de la fermentation de la biomasse en hydrogène et CO2.

Ces technologies présentent l'avantage de pouvoir utiliser des ressources locales et renouvelables. Cependant, elles nécessitent encore des améliorations pour optimiser leur rendement et réduire leurs coûts.

Photocatalyse et photoélectrolyse solaire

La photocatalyse et la photoélectrolyse solaire sont des technologies émergentes qui visent à produire directement de l'hydrogène à partir de l'énergie solaire, sans passer par l'étape intermédiaire de production d'électricité. Ces procédés utilisent des matériaux semi-conducteurs capables d'absorber la lumière pour décomposer l'eau en hydrogène et oxygène.

Bien que prometteuses, ces technologies sont encore au stade de la recherche et développement. Leur rendement reste faible (généralement inférieur à 10%) et leur durabilité doit être améliorée avant d'envisager une application à grande échelle.

Projets pilotes : HyDeal ambition et NortH2

Plusieurs projets pilotes de grande envergure sont en cours pour démontrer la faisabilité de la production d'hydrogène vert à l'échelle industrielle. Le projet HyDeal Ambition, par exemple, vise à produire 3,6 millions de tonnes d'hydrogène vert par an d'ici 2030 en Europe, grâce à un réseau d'électrolyseurs alimentés par des centrales solaires.

Le projet NortH2, quant à lui, prévoit d'utiliser l'énergie éolienne offshore de la mer du Nord pour produire jusqu'à 1 million de tonnes d'hydrogène vert par an d'ici 2040. Ces initiatives ambitieuses permettront de tester et d'optimiser les technologies de production à grande échelle.

Méthodes de stockage de l'hydrogène à grande échelle

Le stockage de l'hydrogène à grande échelle est un défi technique majeur en raison de sa faible densité volumique. Plusieurs méthodes sont actuellement utilisées ou en développement pour relever ce défi.

Stockage sous forme gazeuse : cavernes salines et réservoirs sous pression

Le stockage sous forme gazeuse est la méthode la plus répandue pour l'hydrogène. Les cavernes salines représentent une option intéressante pour le stockage à très grande échelle. Ces cavités naturelles ou artificielles peuvent contenir plusieurs millions de mètres cubes d'hydrogène sous pression. Le projet HyStock aux Pays-Bas, par exemple, vise à stocker jusqu'à 350 000 MWh d'hydrogène dans des cavernes salines.

Pour des volumes plus réduits, des réservoirs sous pression sont utilisés. L'hydrogène est comprimé à des pressions allant de 350 à 700 bars dans des bouteilles en acier ou en matériaux composites. Cette technologie est mature et largement utilisée, mais elle présente des limites en termes de densité énergétique.

Stockage sous forme liquide : cryogénie et liquéfaction

La liquéfaction de l'hydrogène permet d'augmenter considérablement sa densité volumique. L'hydrogène est refroidi à -253°C pour le transformer en liquide. Cette méthode offre une densité énergétique élevée, mais nécessite une importante consommation d'énergie pour la liquéfaction et le maintien à très basse température.

Le stockage cryogénique est principalement utilisé pour des applications spatiales ou pour le transport maritime longue distance. Le projet LOHC (Liquid Organic Hydrogen Carrier) explore également des solutions de stockage liquide à température ambiante, en utilisant des molécules organiques comme vecteurs d'hydrogène.

Stockage solide : hydrures métalliques et matériaux nanoporeux

Le stockage solide de l'hydrogène repose sur l'absorption de l'hydrogène dans des matériaux spécifiques. Les hydrures métalliques, par exemple, peuvent absorber l'hydrogène de manière réversible, formant des liaisons chimiques stables. Cette méthode offre une sécurité accrue et une densité volumique intéressante, mais souffre d'une faible densité massique.

Les matériaux nanoporeux, tels que les nanotubes de carbone ou les MOF (Metal-Organic Frameworks), font également l'objet de recherches intensives. Ces matériaux présentent une surface spécifique très élevée, permettant d'adsorber une grande quantité d'hydrogène. Leur potentiel est prometteur, mais des progrès sont encore nécessaires pour améliorer leur capacité de stockage.

Stockage chimique : LOHC et ammoniac

Le stockage chimique de l'hydrogène consiste à le lier à d'autres molécules pour former des composés plus faciles à stocker et à transporter. Les LOHC (Liquid Organic Hydrogen Carriers) sont des molécules organiques capables d'absorber et de libérer l'hydrogène de manière réversible. Cette technologie permet un stockage à température et pression ambiantes, facilitant la manipulation et le transport.

L'ammoniac (NH3) est également considéré comme un vecteur d'hydrogène prometteur. Facilement liquéfiable, il offre une densité énergétique élevée et peut être utilisé directement dans certaines applications ou reconverti en hydrogène. Cependant, sa toxicité pose des défis en termes de sécurité et de manipulation.

Le choix de la méthode de stockage dépend de nombreux facteurs tels que la quantité à stocker, la durée de stockage, les contraintes de sécurité et les coûts. Une combinaison de différentes technologies sera probablement nécessaire pour répondre aux divers besoins de stockage à grande échelle.

Infrastructure de distribution et réseaux d'hydrogène

Le développement d'une infrastructure de distribution adaptée est crucial pour permettre l'utilisation de l'hydrogène à grande échelle. Plusieurs options sont envisagées pour transporter et distribuer l'hydrogène de manière efficace et sûre.

Pipelines dédiés : projet European Hydrogen Backbone

Les pipelines dédiés à l'hydrogène représentent la solution la plus économique pour le transport de grandes quantités sur de longues distances. Le projet European Hydrogen Backbone vise à créer un réseau de 39 700 km de pipelines d'hydrogène à travers l'Europe d'ici 2040. Ce réseau permettrait de connecter les zones de production aux principaux centres de consommation.

La conversion de gazoducs existants en pipelines d'hydrogène est également envisagée pour réduire les coûts d'infrastructure. Cependant, des adaptations techniques sont nécessaires pour prendre en compte les spécificités de l'hydrogène, notamment sa plus grande diffusivité.

Transport routier et maritime : semi-remorques et navires méthaniers adaptés

Pour des distances plus courtes ou des volumes moins importants, le transport routier par semi-remorques reste une option viable. Des camions-citernes spécialement conçus pour l'hydrogène comprimé ou liquide sont déjà utilisés pour approvisionner les stations-service.

Le transport maritime d'hydrogène sur de longues distances est également à l'étude. Des navires méthaniers adaptés pourraient transporter de l'hydrogène liquide ou de l'ammoniac comme vecteur d'hydrogène. Le projet SUISO FRONTIER , premier navire au monde conçu pour le transport d'hydrogène liquide, a réalisé son voyage inaugural en 2022.

Stations de recharge : technologies 350 bar et 700 bar

Les stations de recharge d'hydrogène sont un maillon essentiel de l'infrastructure de distribution, en particulier pour la mobilité. Deux technologies principales coexistent : les stations 350 bar, principalement utilisées pour les bus et les poids lourds, et les stations 700 bar, destinées aux véhicules légers.

Le déploiement des stations de recharge s'accélère en Europe, avec plus de 200 stations opérationnelles en 2023. L'objectif est d'atteindre 1000 stations d'ici à 2030 pour permettre une utilisation généralisée des véhicules à hydrogène.

Applications de l'hydrogène dans le stockage d'énergie

L'hydrogène offre de nombreuses possibilités pour le stockage d'énergie à grande échelle, que ce soit pour la production d'électricité, le couplage avec les énergies renouvelables ou l'alimentation de systèmes autonomes.

Centrales électriques à hydrogène : turbines et piles à combustible stationnaires

Les centrales électriques à hydrogène permettent de produire de l'électricité à partir d'hydrogène stocké, offrant ainsi une solution de production flexible et décarbonée. Deux technologies principales sont utilisées : les turbines à hydrogène et les piles à combustible stationnaires.

Les turbines à hydrogène sont une adaptation des turbines à gaz conventionnelles. Elles peuvent fonctionner avec un mélange d'hydrogène et de gaz naturel, permettant une transition progressive vers 100% d'hydrogène. Le projet Hybrit en Suède prévoit la construction d'une centrale électrique de 100 MW fonctionnant entièrement à l'hydrogène d'ici 2025.

Les piles à combustible stationnaires offrent un excellent rendement et une grande modularité. Elles sont particulièrement adaptées pour la production décentralisée d'électricité et de chaleur. Au Japon, le projet ENE-FARM a déjà déployé plus de 300 000 piles à combustible résidentielles.

Couplage avec les énergies renouvelables : projets MYRTE et Jupiter 1000

Le couplage de l'hydrogène avec les énergies renouvelables permet de valoriser les surplus de production et d'assurer une alimentation stable malgré l'intermittence.

Le projet MYRTE (Mission hYdrogène Renouvelable pour l'inTégration au réseau Electrique), situé en Corse, combine une centrale photovoltaïque de 560 kW avec un système de stockage hydrogène. L'excédent d'électricité solaire est utilisé pour produire de l'hydrogène par électrolyse, qui est ensuite reconverti en électricité via une pile à combustible lors des périodes de faible ensoleillement. Ce projet démontre la faisabilité du stockage intersaisonnier d'énergie renouvelable.

Le projet Jupiter 1000, quant à lui, teste l'injection d'hydrogène dans le réseau de gaz naturel à Fos-sur-Mer. Il vise à produire jusqu'à 1 MW d'hydrogène vert par électrolyse, puis à l'injecter dans le réseau gazier existant. Cette approche permet de valoriser les infrastructures existantes et d'offrir une solution de stockage à grande échelle.

Microréseaux et systèmes autonomes : îles et zones isolées

L'hydrogène offre une solution intéressante pour l'alimentation énergétique des zones isolées ou insulaires. En combinant des sources d'énergie renouvelable avec un stockage hydrogène, il est possible de créer des microréseaux autonomes et résilients. L'île d'Eday, dans les Orcades (Écosse), a mis en place un tel système : l'excédent d'électricité éolienne est utilisé pour produire de l'hydrogène, qui alimente ensuite des piles à combustible pour la production d'électricité et de chaleur.

Ces systèmes autonomes présentent plusieurs avantages : ils réduisent la dépendance aux importations de combustibles fossiles, améliorent la sécurité énergétique et permettent une gestion locale de l'énergie. Cependant, leur déploiement à grande échelle nécessite encore des améliorations en termes de coûts et de fiabilité.

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